jeudi 4 juillet 2024

TEXTE D'ATELIER D'ÉCRITURE — fallait pas

1. Elle tient le bouquet de mimosa d’une main et court dans toutes les pièces de la maison. Fallait pas. Vite, un vase. Vite, la mémoire se réveille. Vite, elle se revoit gamine, son père qui tirait la gueule en rentrant du boulot. Vite, la mère fatiguée d’avoir toujours le mauvais rôle, punir et tant vouloir aimer. Vite, en bas du toboggan, première entorse, première fois grandir. Vite, l’odeur de la saucisse, jamais sans la ratatouille carottes pommes de terre. Vite, le dimanche après-midi, Maigret à la télé, quand dehors gris lourd de l’automne, retenir les larmes. Vite, les matins d’école, Corn Flakes lait demi-écrémé, générique météo TF1, un rayon de soleil pour colmater l’angoisse de l’algèbre. Et lentement, cueillir le mimosa, toujours, apaisait la gamine.

2. La gamine, coupe à la garçonne et badge de pirate sur son débardeur orange, tenait son premier billet dans la main. Elle pensait petite voiture de police, avec les sirènes, plus tard elle arrêterait les méchants. Elle pensait bonbons au citron, ça pique, mais pas comme les méduses l’été dernier. Elle pensait poster d’un bateau sur la mer, devant son lit, pour la nuit faire des rêves d’aventure, la bateau qui tanguerait, un requin passerait par au-dessus, et de son petit corps elle le rendrait à la mer sous les applaudissements d’une foule qui sortirait de nulle part. La mère, fallait pas, et si tu voyais son bulletin ! Elle lui arracha le billet, yeux ronds, hein madame ! Alors, la gamine chercha dans les yeux de sa grand-mère comment s’endurcir de toujours se faire confisquer son enfance.

Textes écrits dans le cadre des ateliers d'écriture de François Bon

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